​Gael Duval : « /e/ est une alternative éthique et souveraine aux géants américains et chinois du smartphone »


Créateur de la distribution Mandrake Linux, co-Fondateur de MandrakeSoft puis d’Ulteo, Gaël Duval est désormais aux commandes de E.foundation, une ambition projet consistant à créer des smartphones réellement indépendants des géants de la publicité.




Quelle est l’ambition de l’E.foundation ? Dégoogliser son smartphone ?

GD - Non, Dé-Googeliser sa vie ! Comme beaucoup de monde, j’avais un iPhone et j’utilisais les services Google. Mais quand je me suis penché sur leur utilisation de mes données personnelles, j’ai été effaré par l’ampleur du désastre.

Selon une étude américaine, un iPhone upload 8 Mo de données par jour. Et un smartphone Android peut monter à 12 Mo. Toute ma navigation, mes recherches, mes achats, mes photos, ma localisation : toutes ces données personnelles sont exploitées par ces grands groupes à des fins commerciales.

Apple fait de la protection des données personnelles un argument commercial mais ce n’est qu’une posture et ils acceptent désormais de partager ces données avec les services de l’état. 

Ubuntu ou Mozilla ont cherché à créer des smartphones libres mais ils n’ont pas réussi à s’imposer. Quand aux smartphones ultra-sécurisés proposées par des groupes informatiques, ils sont tellement compliqués que personne ne veut les utiliser. Il fallait une troisième voie, plus pragmatique.

Un nouveau départ qui repose paradoxalement sur.. Android

GD - Avant d’être racheté par Google, Android était un logiciel libre, et notre organisation s’est plongée dans son code source pour retirer tous les trackeurs et autres couches logicielles qui menacent nos données personnelles. Nous avons retiré les services de localisation, de paiement, de publicité et même la « connectivity check» qui envoie un ping aux serveurs Google.

Nous avons aussi modifié le navigateur web, sur la base d’un fork Chromium, en retirant tous les outils Google, et également remplacé le Play Store au profit d’un magasin d’applications renvoyant vers des applications Android respectueuses de la vie privée.

Tout cela a demandé un énorme effort mais nous sommes désormais capables de proposer des smartphones Android réellement respectueux de la vie privée.

Des smartphones que vous vendez ?

GD - Oui, si la e.foundation est une association faisant la promotion de ces logiciels libres, nous avons également une structure commerciale, qui se charge de revendre des téléphones Android dont nous avons changé le logiciel.

Cela peut être des smartphones avancés comme le Samsung Galay, ou des projets plus ambitieux comme le Fairphone, mais débarrassé des logiciels Google. Nous revendiquons des dizaines de milliers de téléchargements, des milliers d’utilisateurs, et nous nous adressons aussi bien à des consommateurs engagés, qu’à des entreprises soucieuses de la confidentialité des échanges de leurs salariés.

La data est souvent présentée comme le pétrole du 21e siècle. Pourquoi s’interdire d’exploiter ce qui fait la fortune de grands groupes américains ou chinois ? 

GD - Je suis entrepreneur mais je pense que des sujets tels que la souveraineté ou la protection des données personnelles sont essentiels, même si les jeunes générations n’y sont pas suffisamment sensibilisées.

A l’instar de RedHat, racheté par IBM, ou en France de Qwant, qui s’interdit certaines pratiques publicitaires, je milite pour une économie numérique plus vertueuse.

Avec le RGPD, qui doit certes progresser, la France et l'Europe sont en pointe en matière de protection des données personnelles. Et je pense qu’il y a également une réelle volonté politique, de reconquérir notre souveraineté numérique. E.foundation est en mesure de concilier ces deux objectifs et de proposer une alternative éthique et souveraine, aux géants américains ou chinois du smartphone.

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Pionnier de la presse en ligne avec le lancement de NetEconomie.fr en 1999, Jérôme Bouteiller est… En savoir plus sur cet auteur

Jeudi 13 Février 2020

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