Facebook rachète Parse et Atlas - La stratégie mobile du géant américain se dévoile


Le 26 avril 2013 Parse, une société de développement d'applications "cross plateformes" et de services dans les nuages, annonçait son rachat par Facebook. Ce faisant, la société de Mark Zuckerberg semble clarifier ses intentions vis à vis du mobile.



Parse: une société de "back end"

Dans la nuit de jeudi à vendredi 26 avril, Facebook a annoncé le rachat de la société PARSE. Qu’est-ce que Parse?

Parse c’est à la base un outil de création d’applications mobiles cross plateformes comme on dit dans le secteur. C'est à dire une société qui fournit une série d'outils aux développeurs pour que ces derniers développent une et une seule fois, mais puissent ensuite "porter" facilement leur application sur un autre système d'exploitation web et/ou mobile.

Mais Parse c’est aussi et surtout une société de services aux développeurs qui leur fournit des moyens pour de ne pas avoir à s’embêter avec des problématiques d’hébergement, de performance ou de capacité de la plateforme qui recevra les connexions des utilisateurs finaux. Des problématiques souvent rebutantes, qui pèsent lourd dans les business plans liés aux applications ou qui peuvent dégoûter le développeur amateur. Parse leur fournit une solution clé en main et évolutive, mais aussi tout une batterie d'outils sur étagères, au nombre desquels toute la série des plugins sociaux, tropes habituels des services mobiles en 2013.



Intégrer les outils Facebook à la batterie de services Parse

Parse propose de stocker datas et “mécaniques” riches de l'application directement dans les nuages, puis de laisser le développeur ne se préoccuper que de design et de mécanique générale de son application. Le tout pour un prix modique mensuel.

En rachetant Parse, Facebook permettra aux développeurs, en plus des services actuels déjà fournis par Parse, d’accéder à la grande “boîte à outils” de Facebook et aux principes de l’open graph mobile annoncé plus tôt dans le mois. Même si ce dernier n'est encore effectivement qu'à l'état d'annonce. On sent que facebook va développer les possibilités offertes par l'entreprise achetée.

Proposer un "kit de développement" pour un accès simplifié aux API de Facebook.

Ruzzle une application pour jouer contre ses amis
On imagine aisément qu’un développeur d’appli puisse trouver utile, pour un prix modique, d’avoir accès à des fonctions de partage vers les amis facebook équipés de mobile, à une segmentation des utilisateurs par OS mobile, ou à des fonctionnalités quasi publicitaires pour accentuer la notoriété d’une application. On songe à la viralité des notifications dans le "ticker", la notification sur le mur de profil, ou  challenge des amis dans les applications ludiques. Pour ceux qui sont déjà friands d'applis de type Ruzzle par exemple, imaginez aussi, du côté de l'utilisateur comme ce serait chouette de poser des défis à ses amis facebook, sans être obligé de leur demander d'abord leur nom de profil dans le jeu ou de chercher dans des listes pléthoriques dans le téléphone jusqu'à trouver un ami actif sur le même jeu que vous. Voilà pour la vue "micro".

Si on prend un peu de hauteur sur le rachat et si on pense qu'en plus de l'annonce de ce jour,  Facebook a déjà communiqué une série de projets mobiles ces dernières semaines, on peut essayer de deviner la stratégie mobile de la compagnie américaine en ce début 2013.

Tout d'abord on notera que l’idée d’un facebook phone ou d’un facebook OS semblent avoir fait long feu, malgré les quelques expérimentations de Facebook il y a  quelques mois, qui nous laissaient présager à terme l'arrivée d'un téléphone facebook, tournant sur OS facebook, incluant des services facebook et un écosystème applicatif dédié.

Rappelez-vous:


La stratégie du booster indispensable

Depuis de longues semaines Zuckerberg répète inlassablement dans les médias spécialisés, qu'il n'y aura pas de facebook phone. Et pourtant personne ne le croit vraiment. Personne n'imagine plus que la firme puisse chercher à nouer  un partenariat directement avec un constructeur, pour tenter d'imposer un nouveau standard de référence aux usages et aux app stores. La réalité du combat actuel que mènent Blackberry et Microsoft pour imposer leurs OS dans un marché où l'attrait est majoritairement réparti entre iOS et Androïd a du refroidir pas mal les ardeurs du Réseau Social et a fini de convaincre les spécialistes que ce n'est pas la stratégie que Facebook va employer.

Les observateurs n'ont pour autant pas éliminé l'idée d'une méthode "à la Samsung" ou "à la Amazon", pour faire entrer Facebook parmi les acteurs de la téléphonie mobile. Une méthode qui consiste à se servir un maximum des fonctionnalités d'Androïd tout en planquant le plus possible chacune des références à des applications ou des services Google et en leur substitiuant des applications aux couleurs de facebook. Récemment, lors de la conférence Dive into Mobile organisée par le Wall Street Journal, la question a été posée à Eric Schmidt de Google sur le regard qu'ils portait sur les dernières innovations de facebook dans la monde des smartphones Android. Schmidt a répondu "génial", comme il répond "super" quand on lui parle du géant un peu incontrôlable qu'est devenu Samsung sur Androïd.



Les annonces de ces derniers jours concernant Facebook et le mobile me confortent quant à moi dans cette idée de création d'"encore un autre géant" sur un socle Androïd

Ce qui est sûr c'est que Facebook devait rassurer ses investisseurs en s’installant durablement sur le mobile, et du côté de Palo Alto on a multiplié les annonces en ce sens ces derniers temps. Des annonces qui tendent à nous laisser supposer que le Facebook Phone  va être surtout affaire de couches logicielles, d’univers,  d'outils et d’analytics. Lors d'une de ses dernières prises de paroles Facebook a pourtant rappelé qu'il est déjà un acteur majeur dans l'univers mobile, avec 680 millions d'utilisateurs se connectent chaque mois via un terminal mobile à facebook. La firme a aussi rappelé qu'en ce début 2013, 81 des applications iOS présentes dans le top 100 de l'App Store, et 70 de celles qui sont dans le top 100 d'Android disposent d'une connectivité avec Facebook.
 
Récemment, Facebook a annoncé sa couche logicielle HOME qui vient se “substituer” à l'interface utilisateur d'une plateforme Android. Home est basiquement un "launcher" comme on appelle ces logiciels. Home remplace l'expérience utilisateur Android standard, et propose un téléphone entièrement dédié à l'activité sociale de nos amis sur le réseau facebook. Ce faisant Home camoufle aussi les services pré-installés sur le téléphone et "re-colore" le terminal en liseuse de flux facebook. Une interface modifiée qui permet aussi à facebook de proposer des mises en avant d'applications "sélectionnées pour nous" par la firme, avec à la clé de juteuses promesses de partenariat avec les éditeurs d'applications mises en évidences sur son interface.

Il s'agit peu ou prou de la même logique que Kindle et Samsung cités plus haut: proposer des pré-installations ou des app stores alternatifs pour récupérer une partie du business prévu par Google avec sa mise à dispostition d'Androïd. Ici la valeur n'est pas la vente de  l'appareil, comme chez Samsung, ni dans la vente à perte d'un hardware façon kindle d'Amazon pour récupérer ailleurs le panier moyen du consommateur.  La valeur que récupère Facebook sur le mobile est la garantie d'une masse critique directement énorme composée de fanas du réseau social. Pour le moment Facebook s'abstrait du coup de toute contingence de vente  de matériel, propose des services uniquement, et récupère en trésor de guerre l'analyse de l' activité mobile de son audience. En se départissant aussi de la contrainte "matérielle" Facebook arrive à se positionner comme un acteur incontournable sur le mobile et un passage obligé pour les services mobiles d'autant plus efficace pour ses actionnaires dès lors q'elle n'implique aucun hardware à vendre ni dei risque de grèver les bénéfices de l'entreprise de Palo Alto.

Facebook via Home devient aussi de facto un appstore alternatif, sorte de de filtre sur le store général, où facebook peut choisir de ne positionner seulement que les applications avec lesquelles la marque a un accord spécifique. Tandis que de son côté le rachat de Parse permet à facebook "d'offrir" aux développeurs de moyens de promouvoir l'application sur le réseau social ou de faciliter l'interaction avec les amis. On imagine aisément un business modèle à tiroirs où un éditeur d'application paie facebook d'une part accéder à la base des "amis facebook" de l'utilisateur dans son app, mais aussi où il négocie de l'opportunité d'être présent dans la sélection de l'application HOME. Et tous ces services ont des prix que j'imagine progressifs.


Facebook aux annonceurs: connaître sa cible et surperformer le ROI

Facebook a aussi donné récemment la possibilité aux éditeurs d’applications mobiles, de cibler les versions de publicité qui apparaissent sur les murs des utilisateurs en situation de mobilité, améliorant le ciblage pour que ces dernières ne s’affichent que sur les personnes équipées de mobiles, ou équipées de mobiles autorisant la version Android ou iOS de leur application etc. Ceci pour renforcer le ROI d'une campagne de promotion d'une application tierce via facebook, affirmer le ciblage et améliorer le CTR (click through rate) des publicités mobiles.

Parallèlement, lors de sa dernière convention adressée aux développeurs, facebook a aussi annoncé le déploiement de l’open graph pour le mobile. C’est à dire la possibilité pour les développeurs d’intégrer directement dans le langage natif de leur application des fonctionnalités riches de partage et de communication avec le réseau social, sans avoir à passer par les phases rébarbatives pour le client final, de la “page d’authentification” casseuse de business. L'arrivée de l'open graph mobile permettra aussi et surtout de proposer des expériences de partage plus riches et plus intégrées à la timeline facebook (comme peuvent déjà l’être spotify, senscritique et Tripadvisor sur la version web); et ce faisant, d'améliorer l'engagement via facebook et le glissement fluide du réseau social à l'application ou réciproquement.

Mais ce n'est pas encore tout à fait tout. Parse, Open Graph, Home sont les parties visibles de la stratégie. Donner des outils de développement d'applications et mettre du facebook dedans, fournir des zones de "magasins" alternatifs, et des espaces de promotions ciblées ne suffisent pas encore à résumer la stratégie actuelle de Facebook sur le mobile. Il manque la partie "analytics" du business publicitaire évoqué dans ce paragraphe. Cette partie qui permettra à un éditeur d'application ou un annonceur de calculer le ROI et l'engagement publicitaire de son produit ou de son app, sur les réseaux en général, et le réseau social en particulier.

C'est pourquoi Facebook vient de finaliser le rachat de Atlas Solutions à Microsoft.  Atlas solutions c'est une suite de logiciels permettant d'un côté de cibler des formats publicitaires en fonction de critères géographiques ou de canaux de distribution, mais aussi d'analyser les différents canaux de retours d'un messages, afin de calculer les ROI en provenance de plateformes de provenance multiples. On sent poindre ici à la fois l'aube d'un business mobile orienté, de la publicité, mais aussi des outils de mesures qui tireront avantage des mécaniques de "like" et de "share" dispersés un peu partout sur le web  et le mobile via les "petits pouces" de Mark Zuckerberg



On le constate, la stratégie mobile de Facebook consiste à fournir des outils de simplification du développement aux développeurs, des magasins alternatifs et des solutions de promotion, puis des outils d'analyse du retour sur investissement. Soit un suivi bout en bout d'une campagne de promotion de marque, en somme. Le tout sur base de la valeur intrinsèque du réseau social et non sur un usage hardware particulier.

Le facebook phone de demain est une affaire de surcouche. De surcouche Androïd certes, mais aussi de surcouche du web en général. Facebook semble plutôt tirer profit de sa présence sur tous les OS et toutes les versions imaginables du web, pour développerr des bénéfices spécifiques notamment en mobilité. Facebook qui ne vend ni livre, ni app, ni musique, ni matériel, oriente son business actuel vers l'analyse et la réflexion publicitaire pour les annonceurs; et structure son offre en tiroirs.

Alors c'est sûr, le modèle économique spécifique lié au mobile, sera un peu plus complexe à calculer que le 70/30 qui a fait le bonheur de Apple.  Les revenus mobiles de l'entreprise proviendront un peu du modèle freemium de Parse, beaucoup des partenariats de Home, énormément de la capacité de cibler des publicités en fonction de lieu et de terminal, et immensément de la capacité pour une marque de calculer son ROI d'une campagne "Facebook".  Pourtant, cette démarche "d'ingestion" des principes du mobile, comme hier ceux d'ingestion du web dans la timeline Facebook, sont en fait très très cohérent avec la visée initiale de Zuckerberg. Mettre facebook partout pour que tout soit facebook. En ce compris le mobile.

NDLR: facebook vient d'annoncer ses résultats pour Q1 2013. La publicité mobile y compte pour environ 30% des revenus du rseau social. CQFD?


PLUS+

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Ma version vidéo de cet article

Chef de projet web et mobile en agence et chez l’annonceur, depuis 2001. Développement de… En savoir plus sur cet auteur

Vendredi 26 Avril 2013

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