Data Mobile : le nouvel eldorado ?


Retrouvez la chronique Mobile Business diffusée jeudi 28 janvier dans l'émission Smart Tech de Delphine Sabattier sur B SMART



 

👩🏻‍🦰Quelques jours après la polémique concernant WhatsApp, et son projet de partage des données personnelles avec Facebook, Jérôme Bouteiller, fondateur de EcranMobile.fr, nous explique pourquoi et surtout comment la data est devenue le pétrole de l’app economie...

 

  🧔🏻 Bonjour Delphine. Oui ces dernières semaines, plusieurs affaires ont mis en exergue l’importance de pouvoir collecter des données personnelles, pour monétiser les applications.

 

Nous avons tout d’abord eu droit en décembre à une passe d’arme entre Apple et Facebook, avec l’arrivée dans l’App Store de nouvelles fiches détaillant les données collectées par les applications.

 

Et plus récemment, une polémique concernant WhatsApp, et ce projet de mise à jour des conditions générales d’utilisation, afin de collecter demain autant de données personnelles que Messenger ou Instagram.

 

> Visuel WhatsApp

 

👩🏻‍🦰 Concrètement, à quoi servent ces données personnelles ?

 

🧔🏻Pendant longtemps, l’économie des médias consistait à vendre un « contenu à un lecteur ». C’est le modèle historique de la presse écrite et c’est encore le modèle pour l’industrie du cinéma, du jeu ou de la musique.

 

Mais en parallèle, un autre paradigme s’est imposé, c’est celui de la publicité. Et dans cet écosystème, on ne vend plus un contenu à un lecteur mais l’attention d’un lecteur à un annonceur.

 

C’est ce que le prix de Nobel d’économie Herbert Simon appelait dans les années 70 « l’économie de l’attention ». Et c’est ce qu’avait superbement illustré l’ancien patron de TF1, Patrick LeLay, en expliquant que son métier, c’était de vendre du « temps de cerveau disponible à Coca-Cola. »

 

> Visuel Herbert Simon

 

👩🏻‍🦰 Un temps de cerveau disponible qui est désormais sur le mobile et dans les applications ?

 

🧔🏻Oui, en quelques années, les usages ont profondément changé. Nous sommes entrés dans l’ère du « mobile first », avec un smartphone qui est désormais plus consulté chaque jour que l’ordinateur ou le téléviseur.

 

Mais nous sommes également entrés dans l’ère de l’App First, avec des application qui captent 90% de notre temps mobile, et des « Super Applications » comme WhatsApp, capable d’attirer chaque mois plus de 2 milliards d’utilisateurs dont 30 millions en France

 

Et contrairement à la télévision qui montrait simultanément une même publicité à tous ses téléspectateurs, sur mobile, les annonceurs comme Coca-Cola peuvent cibler très qui sera exposé à leur message, précisément, grâce aux données mobiles.

 

> Visuel ?

 

👩🏻‍🦰 Justement, quelles données sont collectées et exploitées ?

 

🧔🏻Les plates-formes internet cherchent d’abord à récupérer des données « identifiantes », comme un email, un numéro de téléphone, un cookie ou un advertising ID. L’intérêt est de pouvoir distinguer les mobinautes, de maximiser la couverture, de mesurer la répétition mais également de cibler, ou exclure, certaines populations comme ses propres clients.

 

Ce sont ensuite des données socio-démographiques sur votre genre, sur votre âge, sur le niveau de revenus. On peut également récupérer des données comportementales comme les sites consultés, les applications installées. Et le mobile ajoute bien évidemment les données géographiques, qui permettent d’en savoir plus sur les zones de chalandise voire les magasins fréquentés.

 

 

Toutes ces données permettent par exemple à Coca-Cola de cibler uniquement des jeunes femmes, CSP+, habitant en centre ville, et localisées près d’un de ses revendeurs, pour faire la promotion de l’un de ses sodas sans sucre.

 

👩🏻‍🦰 Un marché qui vaut de l’or ?

 

🧔🏻Oui, aujourd’hui, le ciblage permet d’augmenter considérablement la valeur d’un inventaire média. C’est bon pour l’annonceur, qui gagne en efficacité, mais c’est surtout bon pour le support, qui gagne plus d’argent à chaque impression ou à chaque clic.

 

Le mobile est d’ailleurs devenu en une décennie le premier marché publicitaire au monde, devant la télévision ou la presse, et 90% des revenus vont précisément dans les poches des GAFAs, qui combinent des inventaires colossaux et une capacité extraordinaire de ciblage, que ne proposent pas les médias traditionnels, faute de données...

 

Sur un chiffre d’affaires global de 250 milliards de dollars pour la publicité mobile dont 4 milliards en France, la donnée représente désormais la majorité de cette valeur.

 

👩🏻‍🦰 La donnée publicitaire, un problème démocratique ou politique ?

 

🧔🏻Depuis quelques années, il est devenu médiatiquement ou politiquement correct de critiquer les géants du digital, et de dénoncer ces collectes de données personnelles, qui alimentent leur plates-formes publicitaires.

 

Quitte à me faire l’avocat du diable, j’aimerais toutefois rappeler que c’est la publicité qui assure la gratuité des contenus digitaux - ce qui est bon pour la pluralité des opinions dans une démocratie - et plus globalement l’accès gratuit à de nombreux services très innovants, ce qui est bon pour notre portefeuille.

 

Plutôt que de s’opposer à la collecte ou à l’exploitation de ce que certains appellent l’or ou le pétrole du 21e siècle, il me semble plus pertinent de faire de la pédagogie, d’appeler à une collecte raisonnée en toute transparence, et de veiller à ce que son exploitation profite au plus grand nombre.

 



Pionnier de la presse en ligne avec le lancement de NetEconomie.fr en 1999, Jérôme Bouteiller est… En savoir plus sur cet auteur

Tags : bsmart data
Mardi 2 Février 2021

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