Bonjour à tous, c’est l’heure de notre chronique Mobile Business, avec Jérôme Bouteiller, rédacteur en chef de Ecran Mobile, accompagné ce mois-ci de Fabien Omont, Directeur Marketing Produit chez Adform, qui sont venus ce matin nous parler de mobile, de publicité et de développement durable. Alors avant de nous expliquer comment le marketing mobile peut jouer un rôle dans la réduction des gaz à effet de serre, Jérôme, pouvez-nous nous redonner quelques éléments de contexte ? Que pèsent le numérique et le mobile dans la production de gaz à effet de serre ?
Jerome - Bonjour Delphine. Vous avez certainement consulté le dernier rapport du GIEC, qui nous confirme que la décennie 2011-2020 a été la plus chaude depuis 125 000 ans, que le taux de CO2 dans l’atmosphère atteint des niveaux qu’on avait pas eu depuis 2 millions d’années et que nous aurons un réchauffement global des températures de 1.5 °C d’ici 2030, ce qui devrait avoir un impact direct sur le quotidien des 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des zones qui sont déjà vulnérables au changement climatique.
La grande question est de savoir si nous pouvons inverser cette tendance en atteignant la « neutralité carbone dès 2050, et ainsi éviter les scénarios catastrophes, qui anticipent une hausse de 3° des températures avant la fin de ce siècle.
Delphine - Quel pèse le numérique et le mobile dans ces émissions de carbone ?
Jerome - Alors historiquement, les premiers postes d’émission de CO2 étaient la production d’électricité domestique, avec 41% des gaz à effet de serre, suivie des transports, 24% et de l’industrie, environ 19%.
Selon The Shift Project, le numérique ne pesait que 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2018. Mais à raison de +8% de croissance annuelle, il pourrait représenter 8% des émissions de carbone dès 2025 !
Si des secteurs tels que l’agriculture, l’automobile ou le bâtiment multiplient les initiatives depuis une dizaine d’année, le numérique et le mobile avaient tendance à négliger ce sujet.
Delphine - Quels sont les chiffres pour la France ?
Jerome - En France où la production d’électricité émet peu de carbone grâce au nucléaire, les chiffres sont moins élevés. Selon des calculs réalisés le mois dernier par l’ADEME et l’ARCEP, le numérique pesait en 2020 2,5% de l’empreinte carbone nationale française, essentiellement du fait des terminaux (79%), des centres de données (16%) et des réseaux (5%).
Mais si rien n’est fait, l’ADEME et l’ARCEP redoutent une croissance de +65% du nombre de terminaux, de 600% du trafic de données ce qui pourrait entraîner une croissance de 45% des émissions de carbone à l’horizon 2030 (l’équivalent de 25 Millions de tonnes de carbone), et même de 187% à l’horizon 2050. (49,4 Mt), ce qui représenterait à cet horizon près de 10% des émissions de GES nationales.
Delphine - Concrètement, quelles sont les solutions ?
Jerome - Le premier effort doit d’abord concerner les terminaux comme les smartphones, qui ne sont plus fabriqués en France, mais que nous continuons d’acheter massivement.
L’Ademe recommande de privilégier des modèles « éco-conçus », par exemple à partir de matériaux recyclés, d’en acheter moins, et d’attendre 3 ou 4 ans avant de renouveler son smartphone, contre environ 2 ans actuellement. On peut également se tourner vers des appareils d’occasion, pour prolonger leur durée de vie, dans une logique déjà bien connue d’économie circulaire.
L’Ademe recommande également d’opter pour une “sobriété numérique” en évitant de multiplier les périphériques : oreillettes, wearables, tablettes, etc… qui seront potentiellement 2 fois plus nombreux que nos smartphones.
Delphine - Un effort également en matière du côté des réseaux ?
Jerome - Oui le second effort doit se situer au niveau de notre bande passante, qui représente lus de 20% des émissions de carbone du numérique. Selon l’ADEME, l’impact environnemental de la transmission de données sur un réseau fixe est de l’ordre de 18 gCO2e / Go contre plus de 50 gCO2e / Go sur un réseau cellulaire.
Il faut donc tenter de consommer moins de fichiers vidéo, privilégier le Wifi aux réseaux 4G ou 5G, mais également privilégier la basse définition à la haute définition.
Malheureusement, cela va à l’encontre de nos usages. Selon le Ericsson Mobility Report, la vidéo devrait représenter 76% de la bande passante des réseaux cellulaires à l’horizon 2026, contre environ 64% en 2020. Et une vidéo peut facilement consommer à elle seule 100 grammes de CO2, contre à peine 0,01 gramme pour un SMS. C’est 10 000 fois plus.
Delphine - Une transition écologique qui va donc passer par un changement dans nos usages ?
Jerome - Oui et surtout par une prise de conscience de l’ensemble du secteur, qu’il s'agisse tant des consommateurs que des professionnels.
Toutes les grandes entreprises ont désormais l’obligation de publier un rapport RSE, incluant leur production de gaz à effet de serre, et le secteur du numérique devrait complètement se transformer, au cours des prochains mois, afin non seulement de mesurer cette production de carbone, mais également on l’espère, pouvoir sensiblement la réduire avant qu’il ne soit trop tard...
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https://www.bsmart.fr/video/19535-smart-tech-partie-12-avril-2023
👩🏻🦰 C’est l’heure de notre rendez vous Mobile Business avec Jérôme Bouteiller, fondateur d’EcranMobile, qui se demande si l’iPhone 13 ne va pas fragiliser le secteur de l’emailing ?
🧔🏻 Bonjour Delphine. Effectivement, Apple devrait lancer dans quelques jours son nouvel iPhone, l’iPhone 13, ainsi qu’un nouveau système d’exploitation, iOS 15, qui va introduire quelques nouveautés en matière de protection de la vie privée.
L’une des principales innovations est le blocage des pixels invisibles dans Apple Mail, l’application de courrier électronique présente par défaut sur l’iPhone
Ces pixels de tracking, qui sont utilisés par les professionnels de l’Emailing, permettent par exemple d’avoir des informations sur les taux d’ouverture des emailings, mais également de récupérer les adresses IP des consommateurs, pour déterminer leur géolocalisation ou suivre leur comportement sur d’autres sites.
👩🏻🦰 Que pèsent les smartphones dans l’univers de l’Emailing ?
🧔🏻 Selon une récente étude réalisée par numberly, le mobile représente désormais les deux tiers des ouvertures de courriers électroniques en France.
Et selon une autre étude réalisée par Litmus, le client mail de l’iPhone représente à lui seul plus de 47% des ouvertures de mails en Mai 2021 aux Etats-Unis, sur un échantillon de plus d’un millard de mails observés.
Et si on additionne l’ensemble des clients Apple Mail de l’iPhone, de l’iPad et du Mac, on atteindrait selon la même source plus de 61% des ouvertures de mails aux Etats-Unis.
👩🏻🦰 Concrètement, quel sera l’impact pour les professionnels de l’emailing ?
🧔🏻 Et bien les professionnels fidèles à l’emailing ne pourront plus s’appuyer sur un indicateur de performance tel que le taux d’ouverture mais ils pourront toutefois continuer de suivre les taux de clic ou les taux de conversion, qui ne seront pas impacté par l’initiative d’Apple.
Les professionnels de la marketing automation auront également des difficultés pour personnaliser les emails, sur la base de leur ouverture, mais également pour cibler ou recibler les consommateurs sur la base de leur navigation web, postérieure à l’ouverture d’un email.
Des difficultés qui pourraient pousser certaines marques à progressivement abandonner l’emailing et le courrier électronique au profit du mobile messaging, qui repose notamment sur le numéro de téléphone mobile et de nouveaux logiciels comme le SMS ou le futur RCS.
👩🏻🦰 Peut on évaluer les conséquences financières de ce nouveau dispositif ?
🧔🏻 Selon le SNCD, l’ex syndicat national de la communication direct, près de 60 000 entreprises ont recours à l’Emailing en France et elles ont envoyé en 2020 plus de 143 milliards de mails commerciaux, en hausse de +12%.
Ce secteur génère un chiffre d’affaires d’environ 110 millions d’euros, en hausse de +7% en 2020. Mais c’est un chiffre relativement modeste, à mettre en perspective avec le chiffre d’affaires du SMS Marketing, évalué à 400 millions d’euros, ou même à la publicité digitale, qui pèse pour sa part près de 6 milliards d’euros.
Le lancement d’IOS 15 intervenant fin 2021, il n’y aura probablement pas d’impact business cette année, mais les chiffres de l’eMailing pourraient reculer dès 2022 compte tenu du poids d’Apple et de son iPhone sur ce marché.
👩🏻🦰 Une nouvelle fois, Apple bouscule le marché …
🧔🏻 Oui on se souvent qu’au lancement de l’iPhone en 2007, Steve Jobs avait déclaré la guerre au format Flash d’Adobe qui a d’ailleurs fini par disparaitre.
Plus récemment, c’est à nouveau Apple qui a pris des mesures pour bloquer les cookies publicitaires dans Safari, avec la technologie Intelligent Tracking Prévention. Et à nouveau Apple, dans iOS 15, qui veut mettre un terme aux pixels invisibles ce qui va perturber le secteur de l’emailing.
Certains régulateurs, comme la CNIL, partageant le combat d’Apple pour la vie privée, et soutiennent implicitement la firme de Cupertino. Mais on sent toutefois que d’autres régulateurs, plus sensibles aux arguments économiques, s’agacent de ces initiatives unilatérales qui déstabilisent le marché et ne font, in-fine, que renforcer le monopole des GAFAs….
👩🏻🦰 C’est l’heure de notre chronique Mobile Business avec Jérôme Bouteiller, fondateur d’EcranMobile.fr, qui nous parle cette semaine d’un nouveau standard, soutenu par les opérateurs et Google, et qui devrait révolutionner le petit monde du messaging.
🧔🏻Bonjour Delphine. Effectivement, près d’un quart de siècle après sa création, le SMS reste un canal apprécié des marques mais les utilisateurs ont tendance à s’en détourner depuis quelques années.
Selon des chiffres publiés par l’ARCEP au printemps, le volume de SMS baisse d’environ 7% par an depuis 2015, alors qu’à l’inverse, des messageries plus modernes comme WhatsApp ont doublé leur parc d’utilisateurs en France, en à peine 3 ans.
Les opérateurs ont donc travaillé sur son successeur, le « Rich Communication Service » également appelé RCS.
👩🏻🦰 Le RCS, un SMS « Enrichi » ?
🧔🏻Oui le premier enrichissement se fait au niveau de l’interface. Finis les simples messages textuels puisque le RCS pourra transporter des images, des GIF animés, des QR Codes voire des vidéos.
Le RCS sera également plus interactif puisque l’on pourra dialoguer en groupe, voir quand quelqu’un écrit un message, à l’instar de ce qui se pratique déjà au sein des messageries des réseaux sociaux.
Mais le RCS permet également des interfaces plus sophistiquées telles que des carrousels ou des boutons action, susceptibles d’intéresser… les marques.
👩🏻🦰 Une version Business pour le RCS ?
🧔🏻Oui, les opérateurs ont effectivement conçu une version baptisée RBM, RCS Business Messages, offrant des fonctionnalités avancées comme la vérification de l’émetteur, la personnalisation de l’interface, des call to actions sans oublier des statistiques sur les taux de lecture ou les taux d’interaction.
Le RCS pousse ainsi les marques à basculer d’une logique de notification à une véritable logique de conversation en s’appuyant au besoin sur un chatbot, pour discuter automatiquement avec le consommateur.
👩🏻🦰 Combien ça va coûter ?
🧔🏻Tout comme le SMS, le RCS pourra être aussi bien utilisé à des fins promotionnelles, avec un tarif sans doute un peu plus élevé qu’un SMS, entre 5 et 10 centimes, mais également dans une logique servicielle, avec une facturation à la session, entre une marque et un consommateur, avec un coût de l’ordre d’une dizaine de centimes.
Pour les marques, ce canal pourrait donc être plus cher que le web ou qu’un email, mais les opérateurs parient sur ses excellentes performances, et sur le fait que les « conversations vont améliorer le taux de conversion » pour assurer la rentabilité de ce canal..
👩🏻🦰 Le RCS, un standard aussi universel que le SMS ?
🧔🏻Parrainé par la GSMA, l’association réunissant les opérateurs du monde entier, le RCS est en cours de déploiement partout dans le monde, et notamment en France où Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free sont compatibles depuis quelques mois.
La technologie bénéficie également du soutien de Google, dont l’application Google Chat, présente par défaut sur Android, est compatible RCS depuis déjà 2 ans, tout comme de Samsung, dont les nouveaux smartphones Android sont également compatibles RCS.
La seule inconnue concerne Apple, dont l’application iMessage est compatible SMS, mais qui n’a pas clarifié sa position via à vis du RCS. Les opérateurs mettent toutefois en avant la fonctionnalité de « Fallback » et prévoient de remplacer le RCS par des SMS, pour les personnes dont le smartphone ne sera pas compatible.
👩🏻🦰 Le RCS, un futur succès ?
🧔🏻La GSMA revendique déjà 500 millions d’utilisateurs du RCS dans le monde et vise le seuil des 2 milliards d’utilisateurs dès 2024, c’est à dire le nombre d’utilisateurs de WhatsApp qui est aujourd’hui la messagerie instantanée la plus populaire.
Et pour les utilisateurs Android, le RCS pourrait effectivement rapidement devenir une alternative crédible aux messageries privées américaines, russes ou chinoises, car ce canal s’appuie sur notre bon vieux numéro de téléphone.
Et pour les marques, le RCS pourrait également proposer un environnement hyper complet, aussi bien pour leurs problématiques d’acquisition, de conversion ou de fidélisation, susceptible de remplacer à terme un site web ou une application.
Retrouvez la chronique en Replay sur https://www.bsmart.fr/video/7394-smart-tech-partie-01-juillet-2021
C’est l’heure de notre chronique Mobile Business avec Jérôme Bouteiller, fondateur d’EcranMobile.fr , qui revient cette semaine sur le troisième anniversaire du RGPD, un règlement général pour la protection des données qui aurait, selon vous, raté son objectif.
JB - Bonjour Delphine, effectivement, nous avons célébré ce mardi les 3 ans du RGPD, un texte qui est entré en vigueur le 25 Mai 2018, et qui faisait lui même écho aux 40 ans de la loi Informatique et Liberté de 1978, qui a conduit notamment à la création de la CNIL.
Ce texte, qui dispose désormais d’une portée européenne, et qui a considérablement augmenté le pouvant de sanctions des autorités, vise à protéger les consommateurs contre tout exploitation excessive des données personnelles.
Mais c’est également un texte qui a considérablement étendu la notion même de donnée personnelle, compliquant le travail de nombreux professionnels du numérique.
Des exemples ?
Pendant longtemps dans le marketing, on opposait les données nominatives, permettant d’identifier un utilisateur, et les données non nominatives, comme une donnée technique, qui n’était pas exploitable sans croisement des données.
Avec le RGPD, toutes les données électroniques deviennent de facto des données « personnelles » : des noms, des numéros de téléphone ou des adresses emails, évidemment, mais également des meta-données purement techniques permettant d’individualiser des internautes ou des mobinautes.
Par exemple, le niveau de batterie de votre téléphone, peut être utilisé pour distinguer différents utilisateurs partageant une même adresse IP, et cela devient de facto une donnée « personnelle » soumise au RGPD.
Un texte également très attentif aux données de géolocalisation ?
Oui la CNIL a même décrété que la localisation était une donnée « hautement sensible » alors que cette notion n’existe pas dans le RGPD.
Lorsque la police mène une enquête, il lui faut généralement au moins 3 points de localisation pour permettre d’identifier un individu. Mais selon la CNIL, toute donnée de géolocalisation est de facto une donnée personnelle dont la collecte est soumise au consentement.
Et tant pis si c’est le code postal d’un arrondissement de 200 000 habitants à Paris, qui n’a évidemment rien de « personnel » et qui ne permettrait à personne, pas même à la police, d’identifier un individu.
Un texte qui s’accompagne également d’un durcissement des règles du consentement ?
Oui, il faut savoir que le RGPD prévoit en réalité 7 cadres de gestion pour les données personnelles, comme le contrat, l’intérêt public, l’intérêt légitime, l’intérêt vital ou encore l’anonymisation.
Mais selon la CNIL, le seul cadre valable serait celui du consentement pour collecter ou exploiter une donnée électronique. C’est ce qui explique pourquoi les fenêtres de consentement se sont multipliées ces derniers mois, rendant toute navigation sur le web particulièrement pénible, parfois encore plus pénible que la publicité elle-même.
Et puisqu’il faut des cookies pour mémoriser vos préférences, on vous bombarde de fenêtres de consentement tant que vous n’avez pas répondu à la question… Cela devient absurde.
En quoi la CNIL a t’elle raté son objectif ?
Avant le lancement du RGPD, la CNIL entendait généraliser la notion de « privacy by default » mais en fragilisant le web ouvert, le RGPD a paradoxalement renforcé les environnements fermés comme ceux des GAFAS, des environnements imposant un « login par défaut ».
Le RGPD entendait d’ailleurs renforcer les start-up européennes, face aux géants américains. Et c’est exactement l’inverse qui s’est passé, avec la fermeture ou la fragilisation de nos champions européens, pour le plus grand bonheur des géants américains ou chinois qui captent désormais 70% du marché publicitaire digital et même 90% sur mobile.
Trois ans plus tard, personne n’ose ouvertement critiquer la CNIL. Les politiques ont brillé par leur absence et la « Start-Up Nation », chère à notre président, est surtout devenue une « DPO Nation ».
Le replay :
https://www.bsmart.fr/video/6392-smart-tech-partie-27-mai-2021
👩🏻🦰 Bonjour. C’est l’heure de notre chronique Mobile Business avec Jérôme Bouteiller, qui nous va nous parler ce matin de site web qui se téléchargent, d’applications qui se streament, et surtout de la convergence de tous ces univers.
🧔🏻Bonjour Delphine. Effectivement jusqu’à présent sur mobile, nous avions deux environnements distincts : d’un côté des sites web, héritiers du World Wide Web inventé en 1991 par Tim Berners Lee, et qui étaient consultés depuis le navigateur web, Safari ou Chrome, de son smartphone.
L’autre environnement, ce sont bien évidemment les applications, des petits logiciels développés pour iOS ou Android, et qui se téléchargent depuis des « Stores », principalement gérés par Apple ou Google, pour se retrouver directement sur l’écran d’accueil du smartphone.
Mais ces deux environnements - jusqu’à présent bien distincts - sont effectivement en train de converger, avec d’un côté des sites web que l’on télécharge, et de l’autre, des applications que l’on peut streamer depuis un serveur…
👩🏻🦰 Des applications qu’on télécharge ?
🧔🏻Oui, cela fait quelques années que de nouvelles technologies sont apparues comme les Single Page Applications (SPA), mais surtout les progressive web apps (PWA), qui sont des sites web mais que l’on va partiellement télécharger sur son smartphone.
Vu qu’une partie du code est exécutée localement dans les « services workers » du navigateur web, l’expérience utilisateur est bien meilleure et se rapproche de celle d’une application native. Une partie du contenu peut même être stockée localement, pour une consultation en mode déconnecté.
Les PWA offrent également d’autres fonctionnalités comme la possibilité de créer un raccourci directement depuis l’écran d’accueil, ou le support des web notifications, pour le moment uniquement sur Android, ce qui pourrait permettre aux PWA de rivaliser avec de véritables applications.
👩🏻🦰 Des exemples de PWA ?
🧔🏻Ces dernières années on citait souvent en exemple le site e-commerce Etam.com, ou le site media LEquipe.fr, qui sont tous les deux des PWA, et dont les performances les rapprochent d’une application.
Mais la PWA la plus spectaculaire est sans doute celle réalisée le mois dernier par Samsung, et qui permet de simuler l’écran d’accueil de l’un de ses smartphone Android sur… un iPhone.
Baptisée iTest, cette web app est accessible à l’adresse https://itest.nz et propose aux mobinautes de télécharger une PWA reprenant l’écran d’accueil d’un smartphone Galaxy, ainsi que les principale applications conçues par Samsung comme le navigateur ou le logiciel de messagerie. C’est très réussi.
👩🏻🦰 Des sites web que l’on télécharge mais également des applications que l’on consulte directement ?
🧔🏻Oui, c’est l’autre révolution en cours avec ce qu’on appelle les « Instant Apps » lancées en 2017 sur Android, ou les « App Clips » apparus fin 2020 sur iOS.
Dans les deux cas, il s’agit d’une version simplifiée de l’application, qui pourra être streamée depuis les serveurs de Google, ou installée instantanément dans le cas de l’App Clip, mais sans passer par l’étape d’identification du « Store ».
En quelques secondes, on va ainsi pouvoir lire une application, depuis un serveur, comme on le ferait pour un site web, ou télécharger instantanément un extrait d’application sur son smartphone, comme on ouvrirait une page web.
👩🏻🦰 Des exemples récents pour ces mini applications ?
🧔🏻Sur Android, Google pousse principalement de petits jeux vidéo, dont le premier niveau prendra par exemple la forme d’un « Instant Game », mais les exemples se multiplient également sur iOS, avec l’App Clip de Lime.
Si vous avez besoin de louer une trottinette électrique, il suffit de scanner le QR code pour lancer cette mini application, qui pourra gérer votre réservation mais également votre paiement, via Apple Pay.
Et ce concept de mini application qui se télécharge et se lance instantanément est idéal pour des usages très ponctuels, qui ne nécessitent pas le téléchargement de l’application complète.
👩🏻🦰 Des technologies qui vont converger ?
🧔🏻Alors si le concept de site web et d’application ont tendance à se rapprocher, les approches technologiques restent différentes.
Editeur d’Android mais également de Chrome, Google semble plutôt miser sur le web et propose désormais de référencer les sites PWA sur son store, longtemps réservé aux applications.
A l’inverse, Apple, qui édite Safari et iOS, semble privilégier les applications et désormais des mini applications, qui pourraient faire de l’ombre aux sites web.
Enfin il faut citer les ambitions des réseaux sociaux comme WeChat, avec ses mini app, très populaires en Chine, ou Facebook, qui fort d’une audience de près de 3 milliards d’internautes, multiplie également les réflexions sur ce sujet, avec par exemple ces propres mini applications de jeux vidéo.
Si l’heure est la convergence des concepts du web et des applications, il faut hélas également anticiper une divergence de ces technologies.
👩🏻🦰Quelques jours après la polémique concernant WhatsApp, et son projet de partage des données personnelles avec Facebook, Jérôme Bouteiller, fondateur de EcranMobile.fr, nous explique pourquoi et surtout comment la data est devenue le pétrole de l’app economie...
🧔🏻 Bonjour Delphine. Oui ces dernières semaines, plusieurs affaires ont mis en exergue l’importance de pouvoir collecter des données personnelles, pour monétiser les applications.
Nous avons tout d’abord eu droit en décembre à une passe d’arme entre Apple et Facebook, avec l’arrivée dans l’App Store de nouvelles fiches détaillant les données collectées par les applications.
Et plus récemment, une polémique concernant WhatsApp, et ce projet de mise à jour des conditions générales d’utilisation, afin de collecter demain autant de données personnelles que Messenger ou Instagram.
> Visuel WhatsApp
👩🏻🦰 Concrètement, à quoi servent ces données personnelles ?
🧔🏻Pendant longtemps, l’économie des médias consistait à vendre un « contenu à un lecteur ». C’est le modèle historique de la presse écrite et c’est encore le modèle pour l’industrie du cinéma, du jeu ou de la musique.
Mais en parallèle, un autre paradigme s’est imposé, c’est celui de la publicité. Et dans cet écosystème, on ne vend plus un contenu à un lecteur mais l’attention d’un lecteur à un annonceur.
C’est ce que le prix de Nobel d’économie Herbert Simon appelait dans les années 70 « l’économie de l’attention ». Et c’est ce qu’avait superbement illustré l’ancien patron de TF1, Patrick LeLay, en expliquant que son métier, c’était de vendre du « temps de cerveau disponible à Coca-Cola. »
> Visuel Herbert Simon
👩🏻🦰 Un temps de cerveau disponible qui est désormais sur le mobile et dans les applications ?
🧔🏻Oui, en quelques années, les usages ont profondément changé. Nous sommes entrés dans l’ère du « mobile first », avec un smartphone qui est désormais plus consulté chaque jour que l’ordinateur ou le téléviseur.
Mais nous sommes également entrés dans l’ère de l’App First, avec des application qui captent 90% de notre temps mobile, et des « Super Applications » comme WhatsApp, capable d’attirer chaque mois plus de 2 milliards d’utilisateurs dont 30 millions en France
Et contrairement à la télévision qui montrait simultanément une même publicité à tous ses téléspectateurs, sur mobile, les annonceurs comme Coca-Cola peuvent cibler très qui sera exposé à leur message, précisément, grâce aux données mobiles.
> Visuel ?
👩🏻🦰 Justement, quelles données sont collectées et exploitées ?
🧔🏻Les plates-formes internet cherchent d’abord à récupérer des données « identifiantes », comme un email, un numéro de téléphone, un cookie ou un advertising ID. L’intérêt est de pouvoir distinguer les mobinautes, de maximiser la couverture, de mesurer la répétition mais également de cibler, ou exclure, certaines populations comme ses propres clients.
Ce sont ensuite des données socio-démographiques sur votre genre, sur votre âge, sur le niveau de revenus. On peut également récupérer des données comportementales comme les sites consultés, les applications installées. Et le mobile ajoute bien évidemment les données géographiques, qui permettent d’en savoir plus sur les zones de chalandise voire les magasins fréquentés.
Toutes ces données permettent par exemple à Coca-Cola de cibler uniquement des jeunes femmes, CSP+, habitant en centre ville, et localisées près d’un de ses revendeurs, pour faire la promotion de l’un de ses sodas sans sucre.
👩🏻🦰 Un marché qui vaut de l’or ?
🧔🏻Oui, aujourd’hui, le ciblage permet d’augmenter considérablement la valeur d’un inventaire média. C’est bon pour l’annonceur, qui gagne en efficacité, mais c’est surtout bon pour le support, qui gagne plus d’argent à chaque impression ou à chaque clic.
Le mobile est d’ailleurs devenu en une décennie le premier marché publicitaire au monde, devant la télévision ou la presse, et 90% des revenus vont précisément dans les poches des GAFAs, qui combinent des inventaires colossaux et une capacité extraordinaire de ciblage, que ne proposent pas les médias traditionnels, faute de données...
Sur un chiffre d’affaires global de 250 milliards de dollars pour la publicité mobile dont 4 milliards en France, la donnée représente désormais la majorité de cette valeur.
👩🏻🦰 La donnée publicitaire, un problème démocratique ou politique ?
🧔🏻Depuis quelques années, il est devenu médiatiquement ou politiquement correct de critiquer les géants du digital, et de dénoncer ces collectes de données personnelles, qui alimentent leur plates-formes publicitaires.
Quitte à me faire l’avocat du diable, j’aimerais toutefois rappeler que c’est la publicité qui assure la gratuité des contenus digitaux - ce qui est bon pour la pluralité des opinions dans une démocratie - et plus globalement l’accès gratuit à de nombreux services très innovants, ce qui est bon pour notre portefeuille.
Plutôt que de s’opposer à la collecte ou à l’exploitation de ce que certains appellent l’or ou le pétrole du 21e siècle, il me semble plus pertinent de faire de la pédagogie, d’appeler à une collecte raisonnée en toute transparence, et de veiller à ce que son exploitation profite au plus grand nombre.