EcranMobile.fr : l'actualité du marketing mobile

Yann Lechelle, Appsfire: "Pour exister comme app de recommandation, il faut promouvoir les installations volontaires"


Dans un récent article sur ce qu'il faut désormais appeler l'"affaire" Appgratis, j'évoquais certains autres app boosters du microcosme français. Parmi eux Appsfire. L'occasion d'un entretien avec leur COO



Présentation de Appsfire

Yann Lechelle - Appsfire
Yann Lechelle - Appsfire
Bonjour Yann Lechelle, peux tu te présenter pour Ecran Mobile?

Co-fondateur, COO/CTO chez Appsfire. Codeur et basketballeur depuis 1982, Objective-C depuis 1991 (NDLR: le langage de programmation NeXTstep puis Mac OS X/iOS), diplômé MBA, entrepreneur et Parisien-et-heureux-de-l'être depuis 2001… Mais sinon, mon profil LinkedIn est un peu plus complet ;-)
 
Tu représente Appsfire. Peux-tu décrire la société en quelques mots? Si tu veux bien te prêter au double exercice de donner une définition pour les annonceurs, et une autre pour les end users de ton service.
 
« La genèse: je rencontre mon associé et co-fondateur Ouriel Ohayon en 2009 autour de la question: comment proposer aux consommateurs d'apps une méthode de découverte plus sociale et organique? De nos premières discussions émerge l'idée de "sortir" des rankings (déjà à l'époque très polarisés), et il faut se représenter qu'il n'y avait "que" 50.000 applications à cette époque!

Pionniers, nous publions mi-2009 l'application Appsfire 1.0 qui valide le concept et l'intérêt général. Cette première version nous permet de lever des fonds d'amorçage auprès de nos "super angels" nationaux (M. Simoncini, X. Niel, J-A. Grandjon, J-D. Blanc), puis d'atteindre le premier million d'utilisateurs au bout d'un an ce qui valide le modèle coté end-user: une application gratuite, guide et complémentaire à l'App Store, pour mieux découvrir et consommer des apps.

Forts d'une levée de fonds plus conséquente mi-2011 avec le fond parisien IDInvest Partners, nous mettons en place l'offre "business", qui a pour vocation de répondre aux besoins du développeur et de l'annonceur; les trois thématiques auxquelles nous répondons sont: acquisition, rétention, monétisation.

L'acquisition est la partie que tout le monde comprend bien: l'annonceur paye pour gagner de la visibilité et par conséquent acquérir de nouveaux utilisateurs. La rétention est la partie la plus compliquée et la plus importante pour le développeur; s'assurer que ses utilisateurs utilisent leur application souvent, et rentrent dans une relation pérenne avec l'éditeur. Enfin, monétisation: offrir aux développeurs des moyens de se rémunérer en affichant à leur tour de la publicité dans leur application.

L'acquisition est payante bien sur, l'outil de rétention (un toolkit pour développeurs) pour l'instant gratuite, et la monétisation permettra de partager des revenus avec les développeurs.  Appsfire c'est avant tout beaucoup de technologie au services des utilisateurs et des développeurs, et oui un modèle publicitaire 100% dédié aux annonceurs d'apps. »
 
 

Ou, en une vidéo....


L' "affaire" Appgratis et la situation des boosters d'applications

Dans un article récent, consacré à la mésaventure Appgratis retiré de l'app store de Apple pour violation des conditions d'utilisation, je citais Appsfire comme un autre des "boosters d'applications" disponibles dans l'écosystème Apple. Te reconnais-tu dans cette description?
 
Il m'est impossible de répondre simplement. Attention, c'est technique!
 
Il est tentant d'utiliser le terme "booster d'application" pour mettre des étiquettes faciles et stigmatiser. En réalité, il s'agit simplement de modèles publicitaires dédiés aux apps; et booster son audience est légitime, bien évidemment. 
 
En revanche il convient de distinguer les sources et les méthodes. La clé du problème vient de la source des téléchargements: [1a] volontaires, à partir d'une mise en avant dans l'App Store (éditorial ou ranking), [1b] volontaires, à partir d'une mise en avant tierce, [2] intéressés et rémunérés (pas d'intention d'usage) et [3] des automates qui téléchargent tout seuls via des comptes iTunes fictifs ou volés. Le problème commence là, et il n'est pas simple - et encore, je schématise.
 
La puissance d'être dans le "top" des rankings (de générer des téléchargement dits "organiques") crée une tentation ultime d'obtenir via [1b], [2] ou [3] une visibilité maximale, et par conséquent baisser le cout d'acquisition. Les annonceurs achètent donc partout, et plus le volume est haut/rapide, mieux c'est pour eux.
 
Mais il me parait évident que la partie [1a], le booster le plus puissant, est à la discrétion d'Apple uniquement, à personne d'autre.
 
Toute entité qui gagne de l'argent des effets dérivés de la section [1a] créée une rupture dans la ligne éditoriale d'Apple;  le cas est très clair pour les "boosters artificiels" qui utilisent les sources [2] et [3] - c'est leur seul but.
 
Par conséquent, pour être en harmonie avec Apple et exister comme app de recommandation sur le store, il faut à la fois proposer une source pure, en mode [1b] exclusivement, et n'être payé que sur cette base; mais aussi ne pas avoir recours aux méthodes [2] et [3] pour gonfler sa propre audience.

Promettre implicitement ou explicitement dans la prestation les bénéfices générés par [1a] revient à se mettre en conflit direct avec la ligne éditoriale d'Apple; et donc risquer de se faire retirer sa licence d'exister en tant qu'app.
 
Appsfire ne se reconnait que dans le modèle [1b], en source pure - et nous condamnons depuis le début les téléchargements rémunérés [2] et évidemment les robots [3], tous deux sources d'une inflation infernale.
 
Depuis une semaine que Appgratis s'est faite bannir par Apple, je lis autant d'avis positifs que de négatifs sur la forme du business monté par les équipes de Appgratis. 

D'un côté on fustige le côté cowboy de ces applications qui tronquent les tops officiels Apple à coup  de campagne payante; de l'autre on critique le mutisme d'Apple, mais aussi sa capacité à laisser propspérer un business sous son ombrelle jusqu'à ce que l'entreprise décide de changer ses CGU et mettre une startup en grande difficulté.

De ton point de vue "expert", et sans tirer sur l'ambulance, que penses-tu de l'"affaire Appgratis"
 
Des milliers d'applications sont soumises à Apple chaque jour; dès qu'il y a un problème avec une application, Apple communique au moment du processus de validation, en amont, en utilisant les CGU comme guide. Tous les développeurs iOS connaissent ce rituel; on se fait rétoquer, on discute, on modifie, on resoumet; frustrant parfois certes. Le processus est cadré, mais on est loin d'un mutisme - bien au contraire! La relation avec Apple s'entretient et se mérite.
 
Or le cas mentionné est très différent: Apple a "sorti" une application du store, parmi une cinquantaine ou plus existant sur ce créneau sans doute pour cause, car je ne pense pas qu'Apple fasse les choses à la légère.
 
A ton avis,  s'agit-t-il du premier d'une longue série, ou Apple a-t-il frappé pour l'exemple la tête de pont du secteur, pour ramener l'écosystème a plus d'humilité?
 
Il est vrai aussi que quand je lis les CGU 2012 du Developer Program je constate que de nombreuses applications standard, même de type média le plus basique, pourraient se retrouver honnies par Apple au titre qu'elles ne sont pas assez "originales", comme le précise un des points des CGU.  

Appgratis eux-mêmes se sont rendus compte de contrevenir à près de cinq des nouvelles CGU, qui n'existaient pas au moment du démarrage de leur business. Du coup quand on  propose n'importe quelle forme de" présentation alternative de l'App Store" - une autre des interdictions reprises dans les CGU-  ne craint-on pas de facto un jour d'irriter la firme de Cupertino?
 
Impossible de dire si Apple a véritablement pris position contre les applications de recommandation. De la même manière, impossible de dire si les alternatives à d'autres apps pré-installées ont un avenir garanti dans l'App Store: Chrome/Opera vs. Safari, Mailbox vs. Mail, Whatsapp vs. Messages… Et toutes se sont vues rejetées au processus de validation au moins une fois, processus itératif et évolutif; Apple se donne aussi le temps de comprendre avant d'accepter tout et n'importe quoi.
 
De manière générale, je trouve qu'Apple accepte largement toute proposition de valeur forte qui ne va pas à l'encontre de l'édifice qu'ils s'efforcent à construire et de protéger depuis 7 ans, édifice qui reste la référence enviée de tous; et j'attends la preuve qu'un système soi-disant plus "ouvert" réussisse à faire aussi bien autant du coté consommateur (rapport facilité d'usage+qualité/prix) que développeur (rapport rémunération/effort). 
 
Plus généralement, suis-je le seul à trouver les règles d'utilisation du developer program parfois complètement "interprétables", et en tous cas tellement évolutives qu'on a du mal à imaginer son application sur le store dans la durée?
 
Bien sur qu'elles sont interprétables! La clause 1.1 déjà permet à Apple de retirer 99% des applications du Store! 
La question n'est pas d'être dans les guidelines ou pas, mais plutôt: est-ce que mon offre ajoute une brique solide/saine à l'édifice, et puis-je l'argumenter en cas de questionnement par Apple.

Un cercle vertueux?

De ton point de vue de juge et partie, conseillerais-tu encore à quelqu'un de lancer un business model qui se base essentiellement sur des "campagnes" adossées à ou directement dans l'appstore?
 
C'est un exercice d'équilibriste, donc risqué! Déjà, construire un business modèle sur une plateforme "verrouillée" par une certification ou clé d'usage représente une co-dépendance absolue; même problème sur Google (Apps), Facebook, Twitter, LinkedIn… De manière générale, tous les stores ont des règles et des prérogatives qui évoluent, eux-même construits sur une synergie délicate et constructive car la plateforme n'évolue pas sans la confiance établie entre l'hôte et ses développeurs. On parle alors de relation symbiotique quand ça se passe bien, parasite quand ça se passe mal. 
 
Peux-t-on évaluer le risque "d'irritabilité" de la marque à la pomme, quand on discute avec des investisseurs?
 
Le risque est légitime, mais c'est aux investisseurs de faire leur "due diligence" (leur audit avant de confier l'investissement), et de comprendre si les entrepreneurs ont la même ADN que la plateforme "hôte" sur laquelle ils prévoient de construire tout un business. Mon ADN personnel est compatible avec celui d'Apple; mes mutations génétiques ont commencé en 1991 avec NeXTStep au niveau des couches techniques basses de l'édifice, reprises par Mac OS X (2000) et iOS (2007). Mon associé et moi-même partageons la même vision et éthique. C'est cette sensibilité qui je l'espère sera gagnante à long terme, en harmonie avec Apple. 
 
Objectivement, je pense que les boosters d'applications, quelle que soient leurs formes, remplissent une fonction et un rôle de promotion que je ne trouve pas dans l'arsenal publicitaire de Apple aujourd'hui. La promotion d'une application qu'on a créé, via Apple est une sorte de boîte noire un peu insondable vu de l'extérieur. C'est une impression?
 
Booster = publicité, et tous les annonceurs y ont recours. C'est un besoin avéré.
 
Mais soyons clair, il n'y a pas de raccourci véritable pour les développeurs; au mieux un opportunisme d'utiliser un accélérateur artificiel pas encore régulé par la plateforme hôte (analogie: dopage).
 
Enfin, oublions que l'App Store est une plateforme de promotion! C'est avant tout le catalogue référent et une plateforme de distribution - il faut créer une véritable valeur ajoutée et trouver des vrais utilisateurs, la recette est là!
 
Penses-tu comme je l'ai lu cette semaine que les App Store (apple, android, microsoft, blackberry....) devraient progressivement se tourner vers la "neutralité", comme on l'exige des FAI?
 
Oui, le marché va se réguler, collectivement à terme, mais cela prendra du temps.
 
Les forces et les enjeux sont énormes car les stores proposent avant tout un modèle de distribution global, monétisable, et clé en main. C'est sans doute la première fois dans l'histoire du commerce qu'un individu (ou une petite structure) peut offrir un service à des milliards d'utilisateurs, livré directement dans leurs poches où qu'ils soient au moment de la transaction. L'ère du service "écran-mobile" est une véritable révolution, un nouveau far-west avec ses cowboys et ses shérifs…
 
J'ai supposé, dans mon article consacré à Appgratis, qu'Apple préparait peut-être une série d'outils pour renforcer iAD très largement sous connu, et sous exploité des annonceurs mobiles. Et que ce serait à ce titre que les boosters d'applications passent à la trappe. Ceci te semble-t-il une possibilité réaliste?
 
Je n'y crois pas. Si iAd (version promotion d'applications) devient dominant, alors Apple fausse son propre modèle éditorial et se rémunère deux fois: facturation pour la publicité, et commission à la vente de l'appli…
 
Non, je pense qu'Apple a besoin d'acteurs externes qui dynamisent la consommation, et ce, de manière large.

Merci Yann,


Denis Verloes
Chef de projet web et mobile en agence et chez l’annonceur, depuis 2001. Développement de concepts... En savoir plus sur cet auteur


Mercredi 17 Avril 2013


Nouveau commentaire :
Twitter

Technologies | Entretiens | Usages | Business | Revue de web | Focus


Recherche Archives



Inscription à la newsletter